Thé local ou tu délocalises ?

NINA, ÉTUDIANTE À L'EGPN ET JEUNE REPORTER NOUS PARTAGE UN ARTICLE QU'ELLE A RÉDIGÉ POUR UN CONCOURS DE JEUNES REPORTERS DE L'ENVIRONNEMENT

Thé local ou tu délocalises ? 

Motivé et déterminé par un besoin de changement, le groupe Unilever, géant de  l’agroalimentaire, opte pour un voyage à l’étranger. Il pense entrainer dans sa course les  « Fralibs », 182 salariés menacés par la relocalisation de leur activité. Récit d’une lutte engagée  des seconds face aux premiers. Verdict dans un sachet de thé. 

28 septembre 2010, les dirigeants d’Unilever se lèvent de mauvaise humeur. Ils décident de fermer  l’usine de production de thé et infusion à Gémenos dans le Sud de la France. Leur but : transférer les  biens, les capitaux et l’activité à Kratowice, en Pologne. Panique générale chez les employés qui ont  déjà connu cette situation douze ans auparavant, au Havre. Mais cette fois-ci, c’est la fois de trop. Les  ex-employés de la multinationale décident de ne pas se laisser faire. C’est le début d’une lutte acharnée.  

Faire face à l’adversaire 

Pour frapper fort, les militants créent leur association « Force et bonté » depuis rebaptisée « Fraliberthé ». Elle permet « d’utiliser l’argent du CE (comité d’entreprise) au profit de l’association afin  qu’Unilever ne nous le réclame pas », explique Omar Dhamani, ancien Président de l’association. Leur  histoire ayant du succès, ils reçoivent des dons de toute la France. « Cette solidarité financière nous  permet de tenir debout face à Unilever car ils ont des moyens colossaux », ajoute Omar. « Ils proposent  une prime à la valise* de 90 000€ pour ceux qui seraient prêt à abandonner leur boulot ». La majorité des salariés refuse. Ils résistent nuit et jour dans le but de maintenir l’entretien industriel afin qu’Unilever  ne puisse pas récupérer les machines de l’entrepôt. Ce combat a duré exactement 1336 jours soit près de  quatre ans. En mai 2014, Unilever capitule. Un accord de fin de conflit est signé. La petite souris fait  fuir l’éléphant. Les ouvriers fondent la Société Coopérative Ouvrière de Thé et d’Infusion (SCOP TI).  Ils lancent leur marque, désormais symbole d’un combat que l’on pensait perdu d’avance. 

Favoriser les circuits courts 

Une fois l’usine récupérée, les anciens employés d’Unilever renouvèlent totalement les recettes et  compositions de leurs thés et infusions. « Dès le départ, on s’est dit que si on reprenait l’usine, on  redémarrerait l’activité locale », explique Olivier Leberquier, Président de la SCOP. Aller chercher  des plantes en Amérique ? Non merci. Dans la SCOP, ils favorisent la proximité. Les coopérateurs se  rendent à Buis-les-Baronnies (dans la Drôme) où ils sont chaleureusement accueillis par le Syndicat  des producteurs de tilleul officinal des Baronnies. Le coup de foudre se produit. Depuis, une quinzaine  de producteurs les fournissent à un prix avantageux. Dès le début, les fondateurs de 1336 « annoncent  qu’ils ne veulent pas exploiter les fournisseurs de tilleul mais qu’ils paieront le prix juste », déclare  Jean-Jacques Cornand, Responsable du Syndicat des producteurs de tilleul. Cela n’a pas toujours était  facile pour les producteurs de tilleul. Comme l’explique Monsieur Cornand : « dans les années 1990,  la cueillette annuelle du tilleul était de quatre cents tonnes et aujourd’hui elle varie seulement entre  dix et quinze tonnes ». Le partenariat avec la marque « 1336 » permet donc de redonner une bouffée  d’oxygène à la filière. 

Au temps d’Unilever, chaque étape de la fabrication se déroule dans des pays différents. Récoltées en  Amérique. Aromatisées dans le Nord de la France. Conditionnées en Pologne. Les plantes reviennent  au final en France sous forme de thé et infusions pour être consommées. Priorité aux bénéfices pour la  multinationale qui se souci peu de produire localement. Tandis que dès la reprise de l’usine, une des  lignes directrices affichées par la SCOP est de « travailler sur la relance de la filière des plantes  aromatiques et médicinales en France », souligne Olivier. Aujourd’hui, si vous ouvrez un sachet d’une  infusion au tilleul des Baronnies, vous pourrez sentir l’odeur des arbres dont la récolte a parcouru à peine  deux heures avant l’emballage. Nelson Mandela disait : « aucun de nous, en agissant seul, ne peut  atteindre le succès ». L’histoire de ces salariés engagés en est la preuve.

UNILEVER, ENTREPRISE MONDIALE 

Les marques de thé les plus connues en France sont Lipton et Éléphant. Elles appartiennent toutes deux  à la multinationale Unilever : premier producteur de thé au monde. Seulement, les produits Unilever  font le tour de la planète avant d’arriver dans vos assiettes. Les plantes utilisées dans leurs thés viennent d’Amérique Latine et parcourent plus de sept cents kilomètres avant d’arriver en France. Pas très  écologique pour une firme qui déclare sur son site « faire du développement durable un standard » [1]  

AGRICULTURE INTENSIVE ET ECOLOGIE, COMPATIBLES ? 

Selon l’Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Énergie, le quart des émissions de gaz à effet  de serre en France provient de nos assiettes [2]. C’est autant que les transports. Nos choix alimentaires  y sont pour beaucoup. Depuis quelques décennies, nos habitudes ont changé : nous mangeons plus de  gras et de protéines animales, nous achetons beaucoup plus de plats tout préparés et industriels. Nous  ne sommes plus connectés au rythme des saisons. Cependant, des solutions existent : une infusion au  tilleul de la région plutôt que celles avec des plantes provenant du continent voisin. 

 

Nina SOUBEYRAND 

 

[1] Site officiel Unilever France, https://www.unilever.fr/notre-entreprise/  

[2] Agence de l’Environnement et de la Maitrise d’Énergie, Quel est l’impact de notre alimentation sur  l’environnement, 2020.